Négociations sur les salaires, on en est où ?

Une fois n’est pas coutume, nous vous recommandons de lire cet article assis et en écoutant le tube bien connu des Charlots en cliquant sur ce lien. Maintenant que vous êtes bien installés nous vous proposons un retour sur l’état des négociations sur les salaires qui se sont ouvertes le 13 octobre dernier. Depuis, il y a eu 3 séances (pour un total de 4 donc), la dernière ayant eu lieu à Nantes le 22/11.

Un peu de contexte et définitions nécessaires

Hélas, pour bien comprendre et bien mettre en perspective les échanges en négociations sur les salaires, il est nécessaire d’intégrer un minimum de vocabulaire « technocratique ». Voici donc le contexte de ces négociations et les définitions utiles pour bien comprendre.

  • UES : Union Economique et Sociale. Il s’agit du périmètre de la négociation. Il s’agit d’ARTELIA France à l’exclusion notable (mais pas que) de la BU Industrie qui n’est pas intégrée dans l’UES. Soit environ 3200 salariés.
  • AIS : Augmentation Individuelle de Salaire. Elle est exprimée ici en pourcentage de la masse salariale. Contrairement à l’intitulé elle n’est pas individuelle. Il s’agit en fait de l’enveloppe globale allouée aux augmentations.
  • PNC  Primes Non Contractuelles. Il s’agit ici de l’enveloppe globale, en % de la masse salariale, dédiée aux primes non contractuelles.
  • PC : Primes Contractuelles. Il s’agit de l’enveloppe globale, en % de la masse salariale, dédiée aux primes contractuelles, ou primes sur objectifs de vos managers.
  • I+P : Intéressement et Participation. La participation est donnée par une formule légale et exprimée, dans la négociation en % de la Masse salariale. L’intéressement est une formule maison sur laquelle, en théorie, nous pouvons agir par la négociation.
  • CSP : Catégorie Socio-Professionnelle. Chez ARTELIA il y en a 3 : IC (Ingénieur Cadres), ETAM (Employés, Techniciens ou Agents de Maitrise) et ADM (Personnel Administratif). Vous avez cette information sur votre fiche de paye (ainsi que votre coefficient)
  • Tant au sens de la direction que des organisation syndicales, la cible est un montant moyen (ou un pourcentage) à atteindre dans une catégorie donnée (par exemple pour toute l’UES).
  • Cible mini. A ne pas confondre avec une valeur plancher. La valeur plancher est un objectif minimal qui s’applique sans pouvoir être en dessous. La cible mini est une valeur moyenne des minimums, sur une catégorie ou un périmètre donné.

Sur le système actuel, pour bien comprendre comment tout cela fonctionne, vous pouvez lire l’article dédié au lien suivant.

Les propositions de la direction

Pas vraiment de surprise par rapport à la réunion du 13 octobre, lors de la seconde réunion la direction a « juste » ajouté des chiffres.

  • Elle souhaite un accord triennal, avec les enveloppes suivantes :
    • Enveloppe pour les AIS : fixer l’évolution de la masse salariale du groupe à 9.5% sur 3 ans, avec un plancher à 6.5% sur les 3 ans.
    • Avec le détail suivant :

      Proposition de la direction en matière d’AIS pour le nouvel accord triennal

 

 

La direction souhaite que l’écart de répartition de l’enveloppe entre les catégories Non Cadres et celle des Cadres ne soit pas inférieur à 20%. à En clair, on admet que les cadres auront au moins 20% de plus de l’enveloppe des AIS.  “comprenez bien qu’on ne peut pas augmenter une assistante du même pourcentage qu’un ingé, si elle doit quitter Artelia, son salaire sera trop haut par rapport au marché”

    • L’enveloppe des PNC est fixée à 4% sur les 3 années de l’accord. Sous réserve que le résultat d’exploitation du groupe soit supérieur à 4%.
    • Concernant l’I+P, la direction fournit un tableau. A retenir : le montant de l’intéressement est plafonné en fonction de seuils de résultats. L’enveloppe I+P ne dépassera jamais 2.6% de la masse salariale, encore faut-il que le résultat soit supérieur à 6% ….

La direction complète ces enveloppes avec sa notion de « package social et salarial ». C’est à dire qu’elle invite à positionner les mesures dans une réflexion d’ensemble et à apprécier les « intenses » efforts prévus à la lumière des complément suivants :

    • Reconduction de la monétisation des RTT, avec défiscalisation
    • Reconduction de l’avance sur 13ième mois
    • Augmentation de la valeur des tickets restaurant à hauteur de 10.30€ en application du barème légal (dont 4.12€ à la charge des salariés)
    • Augmenter le pourcentage de la masse salariale dédié aux œuvres sociales
    • Augmentation du « Forfait Mobilité Durable », que vous touchez si vous allez au bureau en vélo (ARTELIA : pour être augmenté, il faut pédaler !)

Nos revendications

Signalons d’abord que nous avons, bien évidemment, tout fait pour susciter un travail intersyndical conjoint, sans succès malheureusement.

La CGT ARTELIA n’est pas venue les mains vides à la table des négociations et s’est fait la voix de vos revendications (issues de nos échanges lors de nos assemblées générales). Nous avons toutefois souhaité commencer notre intervention en rappelant l’évidence : « négocier, c’est faire un pas vers l’autre ». Aussi, dès le début de notre prise de parole nous avons précisé que :

  • Nous avions bien entendu qu’il fallait construire les conditions de la stabilité de la politique salariale sur 3 ans.
  • Nous avions bien conscience qu’il fallait préserver l’équilibre économique de la société (personne n’en doutait !). A ce titre nous avons rappelé que notre proposition d’augmentation générale de 150€/mois était parfaitement chiffrée et raisonnable, de l’aveu même de la direction, qui a considéré l’année dernière que nous « manquions d’ambition et qu’elle distribuait finalement plus » (au sens de la croissance de la masse salariale). SI si, ils nous l’ont vraiment dit …
  • Nous avions bien entendu qu’il fallait « préserver la liberté managériale ». C’est-à-dire proposer des cibles à atteindre en valeur moyenne pour que chaque manager puisse assumer ses responsabilités en distribuant de manière discrétionnaire l’augmentation (et les primes).
  • Nous n’allions pas remettre en cause la notion de « package salariale » qui est, après tout, un exercice de communication de la direction. Toutefois nous avons précisé dès ce stade que, pour nous, politique salariale = salaires. Aussi nous avons insisté sur le fait que nos revendications allaient se concentrer sur les AIS, sans pour autant exclure d’autres dispositifs.

Notre ambition

Une fois ce préambule nécessaire passé, et avant de rentrer dans le détail opérationnel de nos revendications, nous avons exposé l’ambition qui est la nôtre au travers de nos demandes.

  1. De donner aux partenaires sociaux les chiffres permettant d’évaluer la politique salariale et son versement, pour lutter concrètement contre les inégalités. Les bilans présentés en « pourcentage de la masse salariale » ne permettent en effet pas d’évaluer concrètement au niveau du salaire les effets des sommes versées.
  2. D’offrir aux salariés un cadre simple, transparent et lisible dans le temps.
  3. De parler en numéraire par rapport au salaire, pour que cela soit plus concret
  4. De marquer un investissement plus important sur les bas salaires, les plus touchés par l’inflation
  5. De rémunérer le travail, justement. Sans exclure d’autres dispositifs mais en privilégiant l’AIS. La direction nous a reproché d’être trop libéral “attention, vous allez vers un régime semblable à celui de nos collègues canadiens, où les salariés doivent payer les soins de leurs poches”. Et pourquoi pas nous comparer au régime Chinois !!!

Aussi, en accord avec ces ambitions, nos revendications portent tant sur l’enveloppe de l’AIS que sur le système d’évaluation et la modalité de versement des augmentations. Nous ne portons aucune revendication particulière sur les primes et l’I+P, hormis le fait de rappeler que les augmentations de salaires doivent rester prioritaires par rapport à tout autre dispositif.

Un nouveau système d’attribution et d’évaluation des montants versés pour plus de transparence

Lorsque nous demandons plus de transparence, ou des outils plus détaillés d’évaluation de la politique salariale, la direction nous répond « les données et le cadre d’évaluation de la politique salariale » qui vous sont fournies sont définies dans l’accord triennal et « nous respectons scrupuleusement » cet accord. En clair : à part les pourcentages d’évolution de la masse salariale par BU (pour les AIS et les PC), ainsi que les pourcentages d’évolution de la masse salariale entre CSP, vous n’aurez rien d’autre. Des médianes ? Des écarts-types ? Un lien concret à ce qui a été donné aux salariés par rapport à leur salaire ? Pour la direction, il n’est est pas question car « ce n’est pas dans l’accord ».

Qu’à cela ne tienne : puisqu’il s’agit de négocier un nouvel accord, incorporons dans celui-ci de meilleurs outils d’évaluation. A cet effet nous avons demandé :

  • Des quantiles [1] de salaires (par tranches de 10%) – A l’échelle de l’UES
  • Des indicateurs de salaires (moyenne, médiane, Q10%, Q90% et écart type) par coefficients et non uniquement par CSP
  • Des indicateurs numéraires (médiane, moyenne, …) des augmentations versées par coefficients.
  • Un détail femme / homme.

Et pour que la proposition ne soit pas immédiatement refusée sous couvert de « trop de complexité » (un argument de mauvaise foi que nous avons, hélas, souvent entendu), nous avons même fourni un exemple de tableau à remplir pour illustrer notre demande, avec explication et définition [cf bas de page] :

Grille pro-forma donnée à la direction pour illustrer notre demande de transparence

Une enveloppe globale à 6.5% d’AIS pour 2024 et un système de versement plus concret

Nous estimons qu’en plus de l’enveloppe globale, le système de versement des augmentations doit être revu. Nous proposons un système pour :

  • Un partage juste, qui rémunère le travail
  • Parler concrètement, en numéraire de votre salaire. Par paliers :
    • Un montant cible moyen par palier (en euros brut et non en pourcentage)
    • Un montant minimum garanti par palier
  • Avec des effets vertueux :
    • Permettre une action ciblée et importante sur les bas salaires, particulièrement touchés par l’inflation. Les 10% les plus bas ont été augmentés de 3,8 alors que la moyenne distribuée est de 4,2% (prime 3% moyenne 4,37%)
    • Permettre le rattrapage des inégalités salariales femmes/hommes dans la société
    • Permettre le rattrapage des conditions d’embauche de certains anciens, moins favorables que celles de certains … moins anciens.
    • Envoyer un signal clair, concret et lisible (si sur 3 ans) pour fidéliser les talents de l’entreprise en offrant une perspective d’évolution mesurable
    • Refuser de maintenir un écart, fusse-t-il de 10% (CFDT) et non de 20% (direction), entre les augmentations des cadres et des non-cadres (écart au bénéfice des cadres). A quel titre un salarié ETAM ou ADM serait-il condamné à évoluer moins vite qu’un salarié cadre ? Notre système permet de reconnaitre la qualification et l’expérience dans l’entreprise en nous positionnant par notre plus grand dénominateur commun : notre salaire.

Dans la mesure où nous demandons un nouveau référentiel, nous proposons de se servir de ce référentiel par quantiles (groupe de personnes touchant une même tranche de salaires) de 10 ( pour le versement des augmentations. Voici le tableau des cibles moyennes par tranches de salaires (320 salariés dans chaque tranche), pour une AIS à 4.2%

** Pour la catégorie « moins de 10% » : Le manager veillera à ce que l’augmentation moyenne de la catégorie des salariés dans sont équipe soit de 200€ (soit en donnant 200€ à tout le monde, soit en donnant 500€ aux uns et 0 aux autres). Si vous êtes dans cette catégorie (et seulement cette catégorie) vous ne pourrez toutefois pas avoir moins de 150€/mois d’augmentation si vous droit à une augmentation.

Pour la catégorie « Entre 10% et 20% » : Si vous être dans la tranche des salariés entre 10% et 20% les moins bien rémunérés, l’augmentation moyenne de votre catégorie sera de 190€

Oui, oui, vous avez bien lu !

Avec 7.5M€ nous pouvons distribuer, en salaires, en moyenne 200€/mois à tous nos collègues les 10% les moins bien rémunérés. ET 190€/mois à ceux dans la tranche 10 à 20 de rémunération. ET …. Dans une hypothèse d’enveloppe d’AIS à 4.2%, c’est-à-dire la même que l’année dernière (ou celle revendiquée par la CFDT cette année).

A mettre en perspective, par exemple, au versement de près de 70 millions de la trésorerie à moins de 90 personnes lors de l’opération actionnariale de cette année, sous forme de « rachat d’action » (nous vous en parlions dans l’article accessible en cliquant ici).

Ensemble, gagnons de vraies augmentations – C’est possible :

Prochaine séance de négociation : le 04/12

Venez nombreux à notre AG du 28 pour nous aider à préparer cette séance, cliquez pour participer.

Puisque c’est maintenant que tout se joue, soyez nombreux à signer la pétition, notre message sera plus clair et plus audible pour nos dirigeants. Ensemble, nous sommes forts !

[1] Q = Quantile. Les quantiles sont les valeurs qui divisent un jeu de données en intervalles de même taille. Il y a donc un quantile de moins que le nombre de groupes créés. Par exemple, les quartiles sont les trois quantiles qui divisent un ensemble de données en quatre groupes taille. La médiane quant à elle est le quantile qui sépare le jeu de données en deux groupes de même taille. Ici nous demandons donc une division des salariés selon leurs salaires, en 10 groupes. SI l’UES fait 3200 salariés, alors il y a 320 salariés par intervalles. La limite supérieure d’un groupe est, dans ce cas, le salaire maximum qui rémunère les salariés inscrit dans le groupe. Ainsi, les salariés dans le groupe Q10 sont, en fait, les salariés les 10 les moins bien rémunérés d’entre nous.

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