Le saviez-vous : une opération actionnariale a eu lieu en juin dernier cette année. Cette fois, pas question d’un LBO mais d’un rachat d’action via la trésorerie du groupe. Petit décryptage du généreux geste envers les actionnaires
Une communication bien rodée pour dissimuler un montant important
L’opération actionnariale réalisée cette année est une « destruction de capital sans pertes ». En clair : on utilise la trésorerie du groupe pour acheter une partie des actions. Lesquelles ? Celles des actionnaires majoritaires (les deux anciens présidents, mais aussi les séniors ayant des actions à vendre ne trouvant pas preneur). L’intérêt ? La formule de calcul de la valeur de l’action est ré-évaluée avant l’opération, les « vendeurs » réalisent au passage une belle plus-value. La cerise sur le Gâteau? Merci Macron : grâce à la « Flat Tax », ces plus-values sur le revenu du capital sont imposées avec un prélèvement forfaitaire unique très modéré ….
A priori rien d’extraordinaire dans une entreprise capitaliste. Certains diront même qu’il vaut mieux entreprendre ce type d’opération que des capitalisations par la dette (plus risquée, comme un LBO). C’est d’ailleurs la communication principale de la direction : « il n’existait pas d’autre alternative », « nous avons pris un risque », « c’est mieux qu’un LBO », « c’est classique dans cette situation », …. Tout cela pour détourner notre attention d’un fait majeur : cette opération a distribué plus de 70M€, dont 50% pour 2 personnes et le reste à des « sortants », également en nombre réduit (entre 65 et 100 personnes maximum).
Les salariés apprécieront les deux poids, deux mesures : une « prime macron » qui ne totalise même pas 1 M€ pour 2700 personnes (et on exclut les salariés en préavis de rupture de contrat au moment du versement, c’est petit reconnaissons-le !!!), là où on donne plus de 70M€ à, soyons généreux, pas plus de 100 personnes !
De belles promesses qui complètent un écran d’opacité
Pour essayer d’endormir la vigilance de vos élus CGT, ainsi que celle des salariés, la direction a accompagné cette opération actionnariale de tout un tas de belles promesses. Les plus symboliques : ouverture plus large de l’actionnariat à des profils « atypiques » 😊, changement des limites d’âge et reconduction des « 100% actions gratuites » pour les premiers 10 000€ placés (si moins de 45 ans).
Nous vous passons tous les discours de communication sur les « valeurs du groupes » et notre « formidable modèle actionnarial, envié dans le monde entier ». Ces belles promesses viennent s’ajouter à l’écran d’opacité qui a accompagné cette opération :
- Aucun bilan n’a été présenté pour le dispositif dit « AGA2 ». Ce dispositif consistait à verser en 2019 le nombre de 5 495 000 actions gratuites à au maximum 65 « cadres dirigeants ». L’opération a bien eu lieu mais nous n’avons : ni le nombre final des bénéficiaires, ni leur âge, ni le montant total finalement versé …
- Aucune structuration de l’actionnariat n’a été communiquée. Impossible pour nous d’obtenir une liste des actionnaires. Nous avions pourtant une revendication simple, dans le respect de la « confidentialité » : fournir une « pyramide des montants détenus ». Cela permettrait de donner une idée de la concentration de notre capital. Le refus systématique (et très virulent) de la direction sur ce point, nous inquiète. Il laisse supposer que loin d’une répartition « salariée », l’actionnariat d’ARTELIA est constituée d’une masse importante de « petits » porteurs (quelques dizaines de milliers d’€) face à un bloc de très gros porteurs (plusieurs millions), ces derniers représentants un pourcentage conséquent du capital (au vu des données disponibles on suppose que moins de 100 personnes possèdent près de 70% d’ARTELIA, même compris après l’opération).
- Les dividendes versés en 2023 au titre de l’année 2022, exceptionnelle, n’ont pas été communiqués.
- L’actionnariat a été ouvert aux « société de transmission de patrimoine ». EN clair : vous avez beaucoup d’argent investi chez ARTELIA et vous n’arrivez pas à vous en dessaisir ? ARTELIA a la solution (à défaut de passion) : transmettez donc à une société spécialisée dans la gestion de patrimoine financier et échappez à l’impôt. Vous pourrez alors faire cadeau de ce bel investissement, décidément très rentable, à vos enfants (ou autres ayants droits). Une belle optimisation fiscale et une sacrée entorse au principe de « l’actionnariat salarié », soi-disant « l’âme d’ARTELIA » …
Par ailleurs, la direction, arguant d’un projet « groupe », a proposé un vote en comité de groupe. La moindre des choses aurait été de solliciter également un vote de vos élus nationaux en CSE.
Salariés, travaillez plus, les actionnaires gagnerons plus !
C’est essentiellement pour cette raison que nous nous sommes opposés à ce projet, et que nous continuons à dénoncer ce type d’opération.
- Il existe des alternatives, contrairement à ce qu’affirme la direction. Par exemple, changer la formule de réévaluation de l’action, mettre des limites à l’accumulation totale de capital, ouvrir (vraiment) l’actionnariat, ….
- Les gros qui se cachent derrière les petits. Une tactique classique du capital : cacher les gros poissons derrière les petits porteurs. La réalité est que derrière le mot « actionnaire » se cache une centaine de gros porteur (plusieurs millions d’euros) derrière une forêt de petits porteurs (10 000 à 40 000€).
- Tout pour le capital, rien pour le travail. Vous avez des difficultés à faire face à l’inflation ? Vous sautez des repas ? Votre niveau de vie recule ? … Et pas d’augmentation de salaire ?
Eh bien c’est justement à cause de ce type d’opération : on augmente la pression sur vos conditions de travail et on « modère » vos salaires pour faire plus de marge, verser plus de dividendes et donner plus à ceux qui ont plus.